Les cultures et les friches
Cultures et friches
Typiques selon les régions, les paysages de culture ont évolué au cours du temps, comme dans le Morvan. «Autrefois, c’était tout culture. Il n’y avait pas d’élevage comme maintenant. Avant moi, il n’y avait pratiquement que du Seigle,... du Sarrasin... Puis, le Froment s’est développé seulement au XXe siècle. » Ces champs sont dénommés «coutures». D’autres cultures ont également disparu. «Le Chanvre était cultivé dans les ouches et on le rouissait dans les “cro”, creux ou petits étangs. » L’ouche désigne le petit champ de première qualité, proche des habitations et également réservé à la culture des gros légumes, Pomme de terre et Chou. Les pratiques agricoles ont également modifié l’environnement. «Il se trouvait beaucoup de Pensée sauvage, parce qu’autrefois on ne déchaumait pas, les Pensées pouvaient pousser. » Les territoires de cueillette échappent aujourd’hui au ramasseur: «Les plantes, ça a changé, avec le chaulage, les engrais et les labours plus profonds... Dans le temps, on allait chardonner (couper les chardons), mais maintenant, on ne trouve plus de Chardon, ils ont tellement arrosé les champs avec les pesticides! ».
Parmi les nombreuses adventices des cultures, quelques plantes alimentaires étaient ainsi glanées au moment du désherbage des cultures: Cardamine hérissée, Laitue vivace, Lampsane commune, Mâche ou Doucette, Pourpier potager. La collecte de ces quelques «harb’», notamment en temps de disette, prenait une importance considérable. «Mon grand-père racontait que son grand-père, vers 1845, voulait labourer son champ, mais la Ravenelle avait poussé. Beaucoup de femmes et d’enfants étaient en train de ramasser ça. Et alors, elles pleuraient pour qu’il ne laboure pas le champ! Elles prenaient aussi les sommités, avant qu’elles fleurissent, de la Navette, dans les champs, pour les faire cuire comme des Choux. » Comme il est rapporté, «on tirait parti de tout! »: «Quand on allait couper les Chardons, au début des blés, on ramassait l’Égreville (Laitue vivace)... Dans les champs, on cueille la Lichtourne, Doucette (ou Mâche), on en ramassait des pleins paniers. Il y avait aussi des Cives, des espèces de petites Échalotes, c’est un peu comme la Ciboulette. Alors, on met ça en paquet, on les fait cuire, et on trempe dans la sauce. On en mettait aussi dans l’omelette... » Outre l’Ail des vignes, «dans les vignes, on récoltait beaucoup de Doucette et de Cressonnette des vignes (Cardamine hirsute). C’est une petite plante en rosette et c’est délicieux. On la mélangeait comme ça au printemps avec de la salade de Pissenlit et des pousses de Salsifis. Ça mange le cht’ti sang, qu’on disait chez nous, le mauvais sang, un dépuratif».
Les champs recèlent diverses plantes compagnes ou messicoles que récoltent les femmes: Bleuet des champs, Camomille matricaire, Coquelicot, Fumeterre, Pensée sauvage et Pyrèthre.
En outre, l’observation par régions naturelles des pratiques médicinales liées aux plantes agricoles cultivées révèle diverses particularités locales. Dans tous les pays viticoles bourguignons, la Vigne connaît plusieurs usages thérapeutiques. «Au moment de la taille, on garde l’eau de sève, la sève de la Vigne. Une goutte dans l’œil, ça soulage le mal... On dit que la Vigne pleure. » Dans les pays producteurs de Maïs, notamment en Bresse, les stigmates de celui-ci sont employés comme diurétiques. Des ramasseurs les collectaient pour en fournir les laboratoires pharmaceutiques. Abondamment cultivé en Côte d’Or, le Houblon était employé comme dépuratif. En Auxois, le Colza, dont on extrait l’huile, sert à apaiser les brûlures, tout comme l’huile de Navette, ou de Pavot œillette, produite dans le Morvan pendant la dernière guerre. Sur la Côte viticole, on préparait un antidote avec le Tournesol. Les céréales occupent encore une place importante dans la pharmacopée végétale qu’elles ont alimentée. Dans le Morvan et l’Avallonnais, le bouillon de Seigle ainsi que celui d’Orge étaient employés pour leurs vertus laxatives. Également issu de la médecine moyen-âgeuse, l’usage sudorifique du «pousso de foin», graines de foin, ou d’Avoine, s’appliquait au traitement des refroidissements. Les cataplasmes de farine de Moutarde ou de Lin étaient le remède courant des bronchites.
Cultivés aux abords des habitations, les arbres fruitiers sont l’objet de soins attentifs. Quelques uns offrent
diverses vertus médicinales, tels le Cerisier, le Cognassier, le Marronnier d’Inde, le Noyer, auxquels s’ajoute le Tilleul. Pour «le manger et le boire», Poiriers et Pommiers greffés ou sauvageons occupaient une place importante. Autre temps fort de sociabilité, la préparation de la «cidrée» ou du «chi’dre»: «On écrasait des Pommes et des Poires... Il y avait un pressoir dans les hameaux. On faisait aussi la goutte, on mélangeait à des Prunelles avec, avant de distiller. Quelqu’un passait avec son alambic... ».
Les friches représentent des espaces de cueillette prisés, où le sauvage semble reprendre ses droits. Sur la Côte viticole, sur les friches calcaires, ou «la montagne», «on trouvait des tas de plantes, du Genévrier, de l’Arnica (Faux arnica ou Inule des montagnes), du petit-chêne, du Millepertuis, du Buis». En Morvan, sur les «chaintres», champs de médiocre qualité où se pratique la jachère-pâturage, «on ramassait les genettes (Genêt à balai) pour faire les balais».
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