Chaumières
L'habitation morvandelle n'est que la conséquence de besoins simples et naturels. La construction est implantée à mi-pente, abritée du vent, toujours près d'une terre arable, d'une rivière et d'une forêt. Sa forme est rectangulaire, sans étage, avec l'étable attenante.
Elle ressemble à la maison gauloise que l'archéologue Bulliot a retrouvé au cours des fouilles de Bibracte. Ses plans font apparaître des fondations de un à deux mètres de profondeur, creusées dans la pente de la montagne, supportant des murailles à base de terre pilée et battue, comprimée par un coffrage en bois et couvertes de paille. Cette description pourrait presque s'appliquer aux maisons les plus pauvres construites au milieu du XIXème siècle. En revanche, les plus riches préféraient le granit émergeant de leurs champs.
Au siècle dernier, villages et hameaux du Morvan se composaient surtout de chaumières : la maison paysanne, qui se distinguait des bâtiments plus cossus à la toiture d'ardoises ou de tuiles plates, était couverte de paille de seigle ou 'glui'. Une telle couverture, au toit débordant comme un chapeau, constituait un remarquable abri : fraîcheur estivale et tiédeur hivernale caractérisaient l'intérieur de la chaumière. Lorsqu'elle était bien faite, cette toiture pouvait durer vingt cinq à trenteià 30 ans.
Les Morvandiaux étaient des couvreurs de chaume réputés : aux alentours, on s'adressait souvent à eux comme à de véritables professionnels. D'ailleurs, dans cette montagne pauvre, après les travaux des champs, s'expatrier pour une campagne de couverture constituait, avec les autres migrations temporaires ou saisonnières, un moyen de compléter les ressources.
Mais la technique de la couverture en chaume reposait sur une civilisation agricole originale. Pays de sols froids, le Morvan était une bonne terre à seigle à la différence de plaines du pourtour, où le blé devenait la céréale essentielle. Le Morvan comptait de vastes superficies en seigle, surtout dans les cantons centraux de Château-Chinon et de Montsauche. La place du seigle, par rapport aux autres céréales, était de loin la plus importante : 50 % dans le canton de Lormes, 62 % dans celui de Montsauche, 64 % dans celui de Château-Chinon. A cette couverture, les premiers coups furent portés par le recul de la culture du seigle depuis la fin du XIXème siècle, par la multiplication des incendies, par le coût très élevé des primes que demandaient les compagnies d'assurances.
Depuis 1880 environ, mais très lentement, la couverture de chaume a reculé devant la toiture d'ardoise. La rumeur publique, sûrement fondée, nous dit que les gains des célèbres nourrices morvandelles ne sont pas étrangers à cette transformation.
En peu d'années, les toits de chaume ont disparu. Ils étaient l'un des derniers vestiges d'une très ancienne civilisation : elle reposait sur la possession d'une technique originale qui remonte aux temps les plus reculés et sur une agriculture fondée sur l'autarcie. Au même titre que d'autres monuments, la chaumière est porteuse de travail humain.
Elle fait partie d'un patrimoine à sauver de la destruction.
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