Objets domestiques et produits d’appoint
Les journées de mauvais temps et les veillées étaient l’occasion de s’adonner à la fabrication de divers objets domestiques ou commercialisés, tel les balais de Genêt à balai ou de Bouleau. «Il faut couper les branches du Boulâ au printemps et les laisser sécher. Il faut les couper trois jours après que la lune ait tourné. Le balai de Boulâ, c’est pour les étables, les granges, l’atelier, les cours et celui de Genêt pour la maison. » Les branchages de Camérisier des haies ou de Symphorine étaient également recherchés.
D’importantes quantités de balais partaient par wagon du Morvan vers Paris. «Autrefois, les vieux expédiaient ça aux Ponts et Chaussées, à Paris. Ils faisaient ça l’hiver. Je me souviens à Fontaine-Blanche, il y en avait un, il allait avec son âne porter ça à Saulieu! Il y avait beaucoup de gens de connaissance qui sortaient d’ici et qui étaient balayeurs à Paris, ou élagueurs. Les balais, ça faisait un petit à côté. »
Certains confectionnaient des «tapis pour mettre devant les portes, avec de fines branches de Boulà, ou Bouleau, d’un mètre de haut. On les faisait tremper dans l’eau de l’auge pour mieux les travailler. On en faisait des lacis, maintenus par du fil de fer, pour essuyer les sabots qui étaient pleins de terre».
Bien souvent, les sabots étaient en «Boulâ», Bouleau, ou encore en «Vergne», Aulne, «bois humide et tendre», qui «quand il durcit, devient sec et casse plus facilement que le Bouleau». D’autres employaient le Hêtre, le Noyer ou l’Érable sycomore. «Coupée à dimension», l’écorce de Cerisier servait à «brider le sabot».
Du Chiendent, on faisait des brosses. «On arrache le Chiendent, celui qui trace, pas celui qui fait des chapelets de boules. On lave les racines, on les écorce. Après, on les passe dans la brosse et on les maintient avec un fond, le dos de la brosse qu’on fixe sur le corps de la brosse. On les faisait aussi avec du crin de cochon. » D’autres utilisaient le Jonc des jardiniers.
Collecte des racines de chiendent
Brosse en chiendent
Dans la région d’Avallon étaient fabriqués des crayons de Fusain, petits revenus d’appoint. «J’avais un cousin à Vézelay qui ramassait les bois de Fusain. Il collectait aussi ceux des autres. Puis, il enfilait les morceaux de bois dans des petits tubes en fer. Il les cuisait dans la braise, car à nu, ils auraient brûlé. D’ailleurs, il y avait aussi une fabrique de crayons à Avallon, près de l’étang. Il y avait des fours spéciaux. » Certains mettaient à profit des fours plus classiques. «Le boulanger ramassait les bois de Fusain, râpés et taillés de la longueur d’un crayon... par botte de cent, en faisant sa tournée. Il les faisait brûler dans son four à pain. Après, quelqu’un venait les chercher. » Ces crayons étaient écoulés auprès de grossistes qui les négociaient auprès de magasins de fournitures de dessin.
Parmi les activités rémunératrices, compte le collectage des Mousses, destiné aux fleuristes. «On ramassait de la Mousse qu’on empilait en petits tas pour faire une botte. On portait ça à Asnières-des-Bois. Il y avait une toute petite fabrique pour teindre la Mousse. Il y avait des femmes qui n’avaient qu’une vache ou deux, ça leur faisait un petit complément. »
Les vanneries
Dans le cadre des activités artisanales, le rôle de l’homme prédomine tant pour la récolte du matériel végétal que pour la fabrication des vanneries ou autres objets domestiques. Il est rappelé «que c’est dur de plier les côtes (gros brin de soutien), il faut de la force». L’apprentissage s’effectuait dès la tendre enfance. «Quand on était gosse, l’hiver on allait avec les grands. On allait avec eux dans les bois pour couper ce qu’il nous fallait. Puis, on faisait avec eux, l’anse, puis tout... Quand ça n’allait pas, ils nous disaient “faut faire comme ça”. Ça se faisait beaucoup quand il y avait de la neige, qu’on ne pouvait pas faire autre chose, qu’on ne pouvait rien faire dehors. » Certaines règles sont observées lors du recueil des matériaux. «Le Noisetier, il faut le couper trois jours après que la lune ait tourné, et jusqu’à la nouvelle lune, jusqu’au premier quartier. Ça fait six jours pour couper les bois blancs. » Pour d’autres, «on coupait le Noisetier avant les gelées, sinon il ne valait plus rien».
La panoplie des espèces à disposition du vannier est vaste: Châtaignier, Noisetier, Osier, Saule, Viorne mancienne, Viorne obier, Bourdaine, Clématite des Haies ou «Tréniau», Ronce, Seigle. Pour leur solidité, le Châtaignier et le Noisetier servent surtout à confectionner l’armature des paniers. Les «tiges de Châtaignier coupées en quatre» ou «pachots» forment les montants des paniers. On en produit encore des éclisses.
De même, les tiges de Noisetier, «côtes», «coutils» ou «parces», constituent la trame pour les vanneries et les ruches. Pour produire de «belles vanneries bien blanches», il faut aussi «lever la “corce”» ou enlever l’écorce afin d’obtenir des «coutils pleumés».
Servant à faire les bordures surtout, l’Osier est apprécié. «Je connais quelques pieds d’Osier plantés par ici et là, parce que les gens dans le temps avaient un ou deux pieds pour faire le panier. Il y a du Saule Marsault, du Marâ. Mais le Saule ne plie pas comme l’Osier. On ne peut pas en faire des angles droits, il casse. L’Osier est plus souple. » D’autres espèces de Saule était appréciées. «Au bord de l’Arconce, ils ramassaient la “marè”, du Saule (Salix purpurea). Ils les écorçaient et les fendaient pour faire des paniers blancs. »
La variété des ustensiles fabriqués illustre l’étendue des savoirs. «Je fais des grands paniers en Saule et en Osier. Je fais surtout des grands paniers ronds, profonds avec deux anses, des charpaignes et puis des paniers plus longs, plus bas, des rasses... Les montants sont en Osier et le reste en Saule. Les rasses, on y mettait la balle de Blé que l’on ramassait au battage. On la faisait cuire à la chaudière. On y met l’herbe à lapin, des Betteraves... » On confectionne encore «le mannequin, panier en forme rectangulaire ou carrée». Pour les ruches, «les côtes sont en Noisetier et le reste en paille». Toutefois, la Ronce débarrassée de ses épines est employée pour la fabrication des ruches, tout comme celle des «paill’ sons», corbeilles dans lesquelles le pain levait. Certains tressent toujours le «bruchon», corbeille en paille de Seigle, dotée d’un couvercle.
Dans le Nivernais, il était coutume de faire sécher les fromages dans des paniers plats ou bien sur des claies recouvertes de «Paille à fromages», tiges de Molinie.
Les vanneries demeurent des objets d’échange ou de dons. «Ça fait un cadeau aux agriculteurs qui m’ont rendu service. »... «Moi, je fais des paniers pour des gens que j’aime. Ça prend trop de temps pour ce que ça rapporte. »
D’autres ouvrages étaient destinés aux animaux. «Les capèches se posaient sur le front des bêtes pour protéger des courroies qui passaient dessus. C’étaient les charretiers qui les faisaient en Roseau, nous ici en Seigle. Et quand on voulait sortir les bœufs, chercher le battoir, déménager quelqu’un,... on leur mettait le torchon. Pour le fabriquer, on prenait des Massettes. Cueillies avant d’être en fruit, les feuilles étaient séchées à l’ombre. Quand on les dédoublait, elles étaient plus minces. On tressait le torchon, on rempaillait les chaises... »
Les feuilles de Joncs, de Massettes ou d’Iris faux-acore, les «Laumes» étaient ramassées pour rempailler les chaises. «Mon père en ramassait, il les faisait sécher à l’ombre pendant longtemps et il trempait dans l’eau pour rempailler les chaises. » Certaines pratiques perdurent: «Ici, je coupe à la faux la Laîche, entre le 1er et le 14 juillet, car après elle monte en graine. Et au fur et à mesure que la graine se fait, la tige durcit, et ça ne va plus. Pour travailler la Laîche, il faut juste l’asperger d’un peu d’eau ou bien quand il pleut la laisser 5 minutes dehors... Le Seigle, je le coupe à la faucille pour ne pas l’abîmer, dans les champs qui ont versé, le Seigle qui est un peu plus long. Pour pailler les chaises, il faut plusieurs longueurs de Seigle. Je les trempe dans l’eau et je les travaille au pouce. » En Bresse demeure célèbre le Jonc des chaisiers.
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