Les plantes toxiques
L’emploi de plantes vénéneuses fait appel à une observation et une connaissance très rigoureuse du monde végétal. Seule une intime familiarité avec la flore permet de recourir à des espèces dangereuses, à travers un savoir-faire avisé. Les plantes toxiques utilisées visent pour la plupart le traitement d’affections externes.
Ainsi, parmi la famille des Solanacées, «la Morelle noire fait sortir le pus. Faire un cataplasme de feuilles enduit de crème, disposer sur l’infection, garder une demi-journée à une journée». Proche parente, la Morelle douce-amère est employée sous contrôle médical en usage interne dans le cas de rhumatismes. «Moi, je faisais préparer au pharmacien une tisane avec de la Douce-Amère et de la Saponaire. J’en faisais deux cures de huit jours par an. » Réputée pour sa très grande toxicité, la Belladone passe aussi «pour guérir un abcès non percé», par l’application externe des feuilles sur le mal.
Rare représentant sous nos climats de la famille des Dioscoréacées, le Tamier commun contient également une substance toxique au niveau des baies. Selon certains ouvrages, l’emploi des racines en cataplasme sur les douleurs ne serait pas sans danger. «On râpait la racine du Tamier, une grosse Carotte, une plante qui monte, qui s’accroche avec des fruits rouges. Ça faisait un lait blanc en râpant. On mettait ça sur les douleurs. »
Toxique comme beaucoup de ces compagnes de la famille des Liliacées, la Colchique d’automne renferme dans ses fleurs empourprées un violent poison, la colchicine. En Bresse, «on râpait en lamelles des bulbes de Colchique, on en frottait le cuir chevelu des enfants qui avaient des poux».
La toxicité d’autres plantes, telle la Digitale pourpre, est mise à profit en médecine vétérinaire pour lutter contre les poux et les teignes. «L’hiver, au moment de la tonte des animaux, on faisait une décoction de feuilles de Digitale, qui ne gèlent pas l’hiver. On frotte l’animal avec la décoction sur le front, l’encolure et autour des cornes, de l’échine jusqu’à la queue, aux endroits tondus. Ça laissait une traînée noire sur les animaux. Les pauvres, sinon ils étaient pleins de teignes et de poux! La décoction de Tacots (Digitale pourpre), ça faisait mourir les bestioles. »
De la famille des Papavéracées, Coquelicots et Pavots, dont les alcaloïdes sont des stupéfiants, la Grande Chélidoine était conseillée dans la région d’Autun «pour soigner la cataracte... Mettre du suc de Chélidoine. C’est un oculiste d’Autun qui m’a conseillé ça». Cette indication thérapeutique ne semble pas confirmée par la littérature1.
[Comme le note Cazin (1868): «je ne dirais pas (...) que l’on a prévenu la cataracte (...) par l’usage interne et externe de cette plante, mais je puis affirmer que nos paysans ont souvent guéri des ophtalmies chroniques qui avaient résisté à toutes les ressources de l’oculiste, par la décoction de ses feuilles employée comme collyre». ]
Tournesols
L’antidote
Lointain témoin des célèbres thériaques, en vigueur depuis l’Antiquité et supposées agir contre l’effet des substances toxiques ou vénéneuses, l’antidote fait office de contrepoison général. Sur la Côte viticole, on préparait un antidote avec le Tournesol. «Mon beau-père préparait chaque année quelques litres d’antidote. Il faisait macérer des graines de Tournesol dans du marc de Bourgogne en bonbonne en verre exposée au soleil pendant 100 jours. Puis il faut cuire les graines dans le four du boulanger dans un creuset, écraser et mettre dans l’alcool. »
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