La pharmacopée domestique
Différentes pratiques visent à protéger le corps et son environnement immédiat, le plus souvent l’espace domestique. La société a développé des codes de conduite permettant de se prémunir de maux physiques (refroidissement, coup de chaleur, indigestion, insomnie,...), voire de menaces ou de malheurs divers.
Lorsque la prévention a échoué, il convient de soigner au plus vite le corps malade. Parmi les différentes thérapeutiques, la pharmacopée domestique a privilégié les fabrications familiales permettant de répondre à l’urgence de certains soins. D’une durée de conservation variable, ces remèdes présentent l’avantage de leur accessibilité, facilité et rapidité d’emploi.
Connaître les plantes, les conserver, les transformer et les prescrire s’inscrit dans la vie domestique. Dans l’intimité des foyers se transmettent les recettes ou les savoir-faire, glissement de la pratique culinaire au médicinal. En guise d’officine, la cuisine. Fi de procédés alambiqués! Macération, infusion, décoction, cuisson et mélange sont les gestes maîtrisés de la cuisinière, infirmière pour l’heure. Et pour seules matières premières,... plantes, eau, vin, alcool, lait, sucre, huile et saindoux [Ces excipients font l’objet de représentations populaires spéciques et déterminantes dans l’association au remède végétal, telles l’eau-de-vie qui «rend la vie à la peau», la graisse qui «la nourrit»,... ]. Pour tout conditionnement, sacs et sachets, flacons et bouteilles, bocaux et boîtes, amassés au quotidien. Le renouvellement des «tisanes» est effectué «en principe chaque année», les autres préparations étant d’une durée variable. «On faisait sécher les plantes au grenier, la tête en bas. Ensuite, on les plaçait dans des sacs en toile, ou bien dans des pots. » Casserole, fait-tout, passoire, les ustensiles culinaires se substituent aux appareillages pharmaceutiques. De même, perdurent les mesures empiriques: «pincée de fleurs», «poignée d’herbes», «cuillerée de poudre», «demi-verre de liqueur officinale». Si la posologie semble souvent approximative, elle s’avère toutefois bien précise lorsqu’il s’agit de plante «à risque»: «Il y a des doses à ne pas dépasser. »
Résultat de l’expérience maintes fois renouvelée et éprouvée dans l’ombre de la médecine savante, la médecine végétale populaire s’est développée par le biais d’emprunts au savoir-faire domestique et alimentaire.
De ces gestes observés, appris, répétés, s’est construit un savoir partagé et organisé socialement. Prédominance du rôle des femmes dans les soins humains, et de l’homme quant à la pharmacopée vétérinaire, la technique repose avant tout sur une relation sensible à la plante remède. L’action thérapeutique s’insère dans un plan symbolique, duquel émerge le plus souvent la partie visible, ou savoir-faire techniques. Comment les hommes ont-ils transformé le végétal, puissant témoin d’une nature sauvage, en remède, dès lors produit culturel, doté d’une efficacité reconnue? Autant de procédés seront développés en fonction de la forme d’administration et de l’action attendue du médicament. La diversité des produits médicinaux révèle la perception populaire du fonctionnement du corps. Ainsi seront privilégiés les traitements dispensés par la voie orale (tisanes, boissons diverses, sirops,...), la voie transmusqueuse, qu’il s’agisse de muqueuse nasale, oculaire, auriculaire, pulmonaire, rectale, vaginale (inhalations, fumigations, collyres, lavements,...) et la voie cutanée (pommades, liniments, cataplasmes, lotions,...).
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