Etudes techniques

DEVELOPPEMENT ENVIRONNEMENTAL DE LA FILIERE SAPINS DE NOEL : ETUDES MENEES

1. Contrôle de l’enherbement d’une plantation de sapins de Noël par des moutons de race Shropshire


Moutons Shropshire (photo Patrick Grosche)

Le pâturage dans les plantations de sapins de Noël est utilisé avec succès pour contrôler la végétation dans des plantations au Danemark, en Irlande, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Suisse et en Autriche. Dans la grande majorité des cas, l'ensemble des producteurs qui utilisent cette méthode a recours au mouton de race Shropshire.
Ce mouton est originaire des régions de Shropshire et Staffordshire dans le Centre-Ouest de l'Angleterre. Il s'agit d'une race ancienne créée en 1848 et qui a connu une formidable expansion aux Etats-Unis et au Canada jusque dans les années 40-50 avant de tomber en désuétude. En effet, les producteurs ont alors cherché à obtenir des moutons de plus en plus compacts pour des raisons économiques. Or ces nouveaux petits gabarits obligeaient à tondre les moutons autour des yeux afin d'éviter l'aveuglement laineux.
Un livre de généalogie de l'espèce existe depuis 1883. Aujourd'hui il s'agit d'une race plutôt rare qui ne compte plus que 1 085 femelles reproductrices en Angleterre. Toutefois, elle semble connaître une renaissance outre-atlantique où l'on essaye de retrouver la race d'origine par croisement entre des moutons Shropshire américains et anglais. Il existe deux associations importantes de promotion de la race : l'American Shroopshire Registry Association et la Shropshire Sheep Breeders' Association and Flock Book Society (plus vieille société de promotion de race au monde, 1882).

Robuste et prolifique, le Shropshire est de taille moyenne. Les béliers matures pèsent entre 102 et 113 kg. Les brebis pèsent entre 68 et 81 kg. Ce mouton est recouvert de laine jusque sur les jambes avec une face noire. Le corps est musclé et produit une viande de bonne qualité. Les brebis sont prolifiques, avec une bonne longévité et possèdent de très bonnes qualités maternelles et laitières. L'agnelage ne pose aucun problème et un pourcentage d'agnelage de 175-200 % n'est pas rare dans un troupeau. Le poids de laine des brebis matures est de 2,7 à 4,5 kg avec un rendement de 50 à 75 %. La toison est considérée comme une laine de type médium avec un diamètre de fibre de 24,5 à 32,5 microns. La longueur des fibres de la toison du Shropshire est de 6 à 10 cm.

Ce mouton trouve sa pleine utilisation dans les plantations de sapins de Noël pour plusieurs raisons:
- Ce mouton lorsqu'il est de race pure à la particularité de ne pas manger les conifères. Ils mangent toutes les autres sortes d'herbes à l'exception des chardons et de la bruyère. Sa mise en pâture peut même se faire dans de jeunes plantations ou des plantations en période de débourrement.
- La laine de ce mouton est très serrée et assez rase, il n'y a donc pas de problèmes qu'elle s'attache et qu'elle colle aux branches des sapins lorsque le mouton pâture à leur contact.

Il convient toutefois de signaler la nécessité d'un chargement suffisant pour que le 'nettoyage' de la parcelle soit efficace. Il faut en effet que les animaux broutent l'herbe jusqu'au pied des sapins. Le pâturage ne dispense toutefois pas d'un coup de débroussailleuse afin de couper les refus laissés par les animaux et de vérifier que les animaux ont suffisamment d'herbes à manger (des apports de fourrage sont parfois nécessaires).

Dans le cadre d'une expérimentation, une parcelle de 1 ha située dans le bois de Tanière sur la commune de Saint Martin de la Mer a été aménagée entre fin 2003 et début 2004.
La parcelle a été préparée de façon conventionnelle (dessouchage, passage de cover-crop…) à l'exception de l'épandage d'herbicides de pré-levée. Une analyse de sol a été effectué afin de déterminer les éventuels besoins en engrais et en chaux. Une impasse a été faite au vu des résultats obtenus.
A l'automne 2003, un mélange d'enherbement particulier, intégrant des critères de résistance à l'acidité, de pérennité, de vitesse d'installation, d'appétence pour les moutons, de lutte contre les adventices, a été semé à la densité de 45 kg/ha.
Une clôture de 2 m de haut a été installée ainsi qu’un dispositif automatique d’abreuvoir.

Au printemps 2004, 6000 arbres de 6 essences différentes (P.abies, P.pungens, P.omorika, A.nordmanniana, A.procera, A.grandis) ont été plantés à la main.

Le Parc naturel régional du Morvan a fait l’acquisition auprès de l’Austrian Shropshire Sheep Society, de 6 moutons (1 bélier + 5 brebis).

Devant les premiers résultats encourageant de cette expérimentation, 9 producteurs en France ont acquis cet été des moutons Shropshire.

2. Mise en place d’un capteur de température dans une parcelle de sapins de Noël (expérimentation 2004)


Capteur de température (Photo Vincent Houis)

Protocole :
Afin de permettre une meilleure lutte contre les insectes, il convient d’appliquer les produits phytosanitaires au stade le plus sensible du parasite et avant que celui-ci n’ait entraîné des dommages apportant un préjudice économique à la culture considérée.

Dans le cas de la culture du sapin de Noël, les insectes les plus problématiques sont :
- le chermés de l’épicéa (Sacchiphantes viridis)
- le puceron des pousses du sapin (Mindarus abietinus)
- le puceron du sapin (Cinara curvipes)
- le tétranyque de l'épinette (Oligonychus ununguis)
- le charançon vert (Polydrusus impar)

L’apparition de ces insectes étant en grande partie gouvernée par la température extérieure, il est possible de prédire leur émergence en enregistrant l’accumulation de degrés-jours. Pour ce faire un capteur automatique Hobo Pro Series de marque Onset enregistrant la température et l’humidité atmosphérique toutes les minutes a été installé dans une parcelle mixte épicéas-nordmanns à Maison Beaude en Côte d’Or.
Une fois les données récupérées, elles sont analysées sur ordinateur pour calculer les GDD.
Le GDD pour Growing Degree Days (Degré-jours de croissance ou unité thermique de croissance) est une unité de température utilisée comme un indice du développement des ravageurs durant la saison de croissance des sapins.
Les GDD sont enregistrés du 1 mars au 30 septembre.

Résultats

Ce capteur a permis d’enregistrer l’accumulation de degrés-jours. Cette accumulation a été reliée à l’apparition de stades phénologiques des arbres (date de débourrement ; stades de développement des bourgeons…) et aux émergences de ravageurs.

Selon les données américaines, la période de lutte contre le chermès va de 22 à 92 GDD. En effet, il convient de détruire les fondatrices avant que les épicéas ne débourrent. Dans le cadre de notre expérimentation, les épicéas ont commencés à débourrer à 90 GDD confirmant ainsi les données américaines. On peut donc dire que cette année dans le Morvan à Maison Beaude, la lutte contre le chermès de l’épicéa pouvait avoir lieu entre le 17 mars et 27 avril.
Un producteur de Côte d’Or soumis à de gros dégâts de chermès de l’épicéa a traité ses épicéas selon cette recommandation. Ce traitement a été un plein succès.

Un autre intérêt : le gel
Cette année à Maison Beaude, les nordmanns ont commencé à débourrer à 120 GDD. Le 24 mai à 5h15, la température est tombé à -2,4 °C, provoquant le rougeoiement des sapins en stade V. (Figure 2.)
L’enregistrement de cet événement, nous conduit à préconiser des sapins à débourrement tardif. Un débourrement des arbres à 150 GDD soit 5 jours plus tard, leur aurait permis d’être en stade III (non sensible au gel) le 24 mai.
En reprenant les données de gel de Météo France sur 30 ans et en les corrélant avec les dates de débourrement des sapins en fonction de la température et leur stade de croissance, cela permettrait la sélection de sapins de provenance adaptée au site de plantation.

3. Expérimentation de régulation de la croissance apicale de sapins de Noël par scarification.


Cicatrice après traitement pince Top-Stop (Photo Vincent Houis)

Le désir de réguler la croissance apicale des arbres de Noël répond à des exigences de qualité émanant du consommateur. En effet, la plupart des clients veulent un arbre harmonieux avec une distance égale entre les verticilles. Ils recherchent des arbres denses pourvus de nombreuses branches afin de pouvoir y accrocher des décorations.
Dans le cadre de la production du sapin de Nordmann, cette demande est difficile à satisfaire en raison des particularités physiologiques de cette essence. En effet, le sapin de Nordmann grandit lentement dans les premières années suivants la plantation (5 à 10 cm/an durant les premières années) et développe des flèches trop longues dans la phase finale avant la récolte (souvent plus de 50 cm/an durant les années précédant la récolte). L'idéal serait que les arbres qui se développent de 25-35 centimètres par an, de sorte qu'un arbre de 200 centimètres de haut ait au moins 6 verticilles également distribués sur toute la longueur du tronc.

Afin d'obtenir une croissance apicale contrôlée des arbres de Noël, des régulateurs de croissance chimique sont parfois appliqués. Il s'agit la plupart du temps de molécules inhibant la synthèse des gibbérellines, ces hormones végétales favorisant l'élongation cellulaire. Toutefois ces produits ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes.

Sur un plan technique, ces produits sont d'un emploi assez délicat. L'efficacité est en grande partie conditionnée par le moment d'application du régulateur, la partie de la plante sensible à la matière active, la dose appliquée, et la technique d'application. Dans certains cas, l'application de ces produits peut avoir un effet non recherché par l'utilisateur. Ainsi si le produit a été déposé sur la flèche de l'arbre pour réduire la longueur de l'entre-nœud, en cas de pluie, le produit peut ruisseler sur les branches du verticille supérieur et provoqué leur nanification.

Du point de vue toxicologique, il s'avère que certaines molécules sont peu satisfaisantes, citons le daminozide suspecté de cancérogenèse. Enfin sur le plan environnemental, si ces molécules sont relativement peu toxiques pour la faune aquatique, elles sont en revanche souvent très hydrosolubles et ont des coefficients d'adsorption faibles, ce qui augmente le risque de transfert dans les cours d'eau.

En Allemagne où l'application de ces produits dans les cultures d'arbres de Noël n'est pas permise, et au Danemark où la pression écologiste est forte, des mesures alternatives ont dû être trouvées qui empêchent une croissance en longueur démesurée des flèches.
Des essais d'écorçage, de cerclage, de scarification, d'enlèvement d'aiguilles et de coupes des racines ont été menés.

En France, la réduction apicale des sapins de Noël par des moyens mécaniques a déjà été tentée par un certain nombre de producteurs, cependant ces essais n'ont jamais été formalisés et établi de façon statistique. Le Parc naturel régional du Morvan, engagé auprès des producteurs dans le développement environnemental de la filière sapin de Noël, a souhaité réaliser un essai à but de démonstration afin de connaître l'efficacité du système de scarification par pince Top-Stop®.

Matériel et méthode

La scarification a été réalisée grâce à la pince de fabrication danoise Top-Stop® créée en 1997 par M. Lars Geil. Cette pince est constituée de deux mâchoires en aluminium pour réduire le poids de l'outil. Il y a deux lames sur chaque mâchoire, avec un écartement de 20 mm entre elles. Les deux lames centrales ont 15 mm de long, celles des extrémités ont 18 mm de long. Ces lames sont disposées en quinconce.
Sur un côté de l'outil, un boulon d'ajustement du diamètre a été monté. Cette vis peut être ajustée pour s'assurer que les lames ne serrent pas complètement le brin leader. Cependant, le fabricant recommande que la vis soit desserrée de façon à ce que l'utilisateur détermine la pression nécessaire au traitement de chaque arbre. Les flèches des espèces d'Abies varient de 5 à 15 millimètres de diamètre, et un positionnement fixe ne mènera donc pas à un résultat satisfaisant. Il convient de couper l'écorce au sens large de l'arbre c'est à dire l'écorce, le parenchyme cortical, le liber. Il ne faudra pas couper le bois au risque d'arrêter totalement la croissance apicale et de rendre cassante la flèche.

Dans le cadre de cette expérimentation, deux coups de pinces, l'un au-dessus de l'autre, ont été effectués, soit 8 scarifications. La seconde incision a été pratiquée en effectuant une rotation de 90 degrés par rapport à la première pour être sûr que le cambium soit coupé sur l'ensemble de la circonférence. Cela est plus efficace que de faire deux incisions sur le même plan longitudinal. Les incisions ont été faites juste en dessous du dernier verticille.

Dans le cadre de cette expérimentation, on a choisi une parcelle de sapin de Nordmann (Abies nordmanniana) âgés de six ans et située à Chanteau (21). Dans cette parcelle, deux échantillons de 50 arbres plantés en ligne ont été sélectionnés. Ces deux échantillons ont été choisis en milieu de parcelle et côte à côte afin de considérer comme nulle les variations de sols, d'exposition…Un échantillon sert de témoin, l'autre reçoit le traitement.

Résultats

A la fin de la période de croissance, il existe une différence de hauteur de 20 % entre les deux échantillons.

La réduction de la croissance apicale des flèches du sapin de Nordmann est confirmée en 2003 par l'utilisation de la pince Top-Stop®. Dans le cadre d'expérimentations effectuées au Danemark selon un protocole similaire, la différence moyenne de réduction de hauteur est de 27 %.
Le plus faible taux de réduction obtenu par notre essai provient sans doute de l'application trop tardive des scarifications. La flèche avait déjà une vingtaine de centimètres de hauteur au début de l'expérience. L'application du traitement au débourrage de l'arbre, avec une hauteur de flèche de 2-3 cm aurait très certainement donné des résultats plus importants.
En 2004, la scarification des arbres avec des flèches de 5 cm a confirmé ce point de vue puisqu’on observe une réduction de la croissance très importante. Trop importante même, puisqu’un certain nombre de flèches n’ont pas supporté le traitement et se sont desséchées.
Un autre fait intéressant est de constater qu’un arbre scarifié l’an passé, reprend une croissance normale en absence de nouveau traitement. Pour maintenir l’effet de régulation, il est donc nécessaire de traiter les arbres chaque année.

Avant le début de l'essai, certains producteurs de sapins de Noël craignaient que les scarifications soient une porte d'entrée pour diverses maladies ou champignons. On constate qu'il n'en a rien été. Les scarifications se sont parfaitement cicatrisées et aucun jaunissement particulier sur les branches du verticille supérieur n'a été constaté.

Il convient de signaler un phénomène constaté visuellement mais non mesuré. Les branches du verticille supérieur ont tendance à se redresser suite à la scarification. Chez les conifères, si par accident, le bourgeon terminal est supprimé, des branches secondaires se redressent et prennent la direction verticale tant que l'un d'elles ne les dépasse pas et ne remplace pas la tige principale.

4. Etude des dégâts de chevreuils dans les plantations de sapins de Noël


Frottis de chevreuil sur Nordmann.

Le nombre de chevreuils ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années dans le Morvan. Cette population ne se répartit pas de façon homogène sur le massif. Elle est concentrée sur certaines communes. De plus à l’intérieur des communes, les chevreuils se concentrent là aussi dans certaines zones. De ce fait, les exploitants pensent qu’il y surpopulation de chevreuils. Cependant, il n’y a pas forcément surpopulation mais une mauvaise répartition des individus qui provoquent des dégâts considérables sur les parcelles.
Les populations de chevreuils dans le Morvan ont augmenté en même temps que l’augmentation des plantations de sapins de Noël, or ces deux augmentations sont incompatibles l’une avec l’autre.
Melle Rolland, élève-ingénieure à l’ENITAB a formulé différentes solutions à ce problème en fonction de la taille des exploitations..
Une réunion, le 21 juillet 2004 a permis de réunir tous les acteurs concernés par ce sujet (chasseurs, producteurs de sapins de Noël, chercheurs, organismes d’Etat…). A l’issue de cette réunion, différentes pistes de travail ont été émises et la dynamique créée sera poursuivie par le groupe de travail « chasse » animée par M.François Dumarais, maire de Planchez-en-Morvan.
En 2006, une vaste étude multifactorielle sur les dégâts de chevreuils dans les plantations de sapins de Noël est programmée.

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