Les haies


La haie vive (Merisier à grappes, Noisetier, Églantier, Aubépine, Chèvrefeuille...).

Compagnes des bords de chemins et des talus, les haies forment des espaces semi-sauvages que l’homme essaie de dominer et de plier à ses propres exigences. La diversité des noms accordés à la haie témoigne de l’étroite relation que l’homme entretient avec elle. Il l’appelle ici la «brosse» ou la «tresse», la «trosse» ou la «trasse», encore la «bouchure» ou la «boucheure», et là le «pléchis» ou «bléchis». Afin de rajeunir et d’étoffer la haie, est pratiquée la technique du «pléchis», système d’entaille d’un certain nombre de tiges verticales afin de pouvoir les orienter horizontalement. «Pour sûr que c’était entretenu! Quand ça venait long, on coupait les branches. On en laissait une... Puis on donnait un coup de serpe... Pas complètement, on donnait un coup et on la laissait plier. Parce que cette branche là, elle poussait quand même. On y couchait, on mettait un lien. Ça fait que ça se renouvelait. Ça bouchait. Les jeunes plantes poussaient. On avait l’habitude de coucher, de couper pour que la tête soit au soleil... On laissait l’Épine blanche et l’Épine noire, ça bouchait pour les bêtes. » Plusieurs avantages sont reconnus au «pléchis». «On coupe au pied pour plesser, donc ça fait une régénération avec les nouvelles pousses. Ça se régénère et les arbres vivent beaucoup plus vieux. On le voit dans les haies qui ne sont plus pléchées, le bois meurt, il est tout desséché à l’intérieur. C’est normal, les arbres sont trop serrés, ils sont étouffés. » Ainsi, quand «on bléchit la haie, on laisse pousser les jeunes branches qu’on rabat». Par conséquent, «une haie plessée prend moins de place qu’une haie qui ne l’est pas. Ça fait moins d’ombre sur le pré». Parfois, on laisse «une passée», fin passage utile à l’éleveur ou au chasseur. La haie s’entretenait régulièrement. «On va aller faire le plessis, on disait... On passait déjà enlever les Ronces de chaque côté, puis couper en montant. On taillait. » Parfois même, il s’agissait d’aménager l’environnement de la haie. «On appelait ça la douve. On remblayait de chaque côté, on ramassait avec des pelles, on prenait la terre. On la remontait pour que ça entretienne. Ça faisait des machins gros comme ça. Maintenant, on n’en voit à peu près plus. Le bois poussait! »
La fonction de clôture semblait primordiale, constituée notamment d’Aubépine pour ses épines redoutées du bétail, ou de Prunellier. Une variété «aux longues épines» en fut répandue dans le Morvan, par souci d’une plus grande efficacité. Ailleurs également, il se plantait du Prunellier, de l’Aubépine... Parce qu’ici, c’est surtout du sol sableux, il ne vient que du Noisetier. Alors, les vieux allaient chercher des branches de Prunellier à quarante kilomètres, à Vauban, vers Saint-Christophe-en-Brionnais».
Outre son rôle de clôture, la haie assurait une production régulière de bois. «Tout l’hiver, les gens s’occupaient du bois. Le Frêne, on le coupait tous les dix, quinze ou vingt ans. On taillait les arbres en têtard. Les bois, ça se fagotait. Les fagots étaient liés avec les tiges de Charme. Ils se faisaient entre le 15 août et le 15 octobre, avant les gelées. Les haies étaient repecées tous les quinze ou vingt ans. »


Haie plessée

La haie offre de menus produits d’appoint non négligeables: bois de chauffage, d’outillage, espèces alimentaires et médicinales. Cet espace se voit partagé entre des pratiques masculines: plantation, taille, coupe; féminines: ramassage de plantes; et aussi infantiles: amusements divers.

Les femmes y cueillent plusieurs médicinales: Aubépine, Bryone dioïque, Chèvrefeuille, Églantier, Frêne, Germandrée petit-chêne, Gouet maculé, Lierre grimpant, Nerprun purgatif, Petite pervenche, Ronce, Sureau noir et Tamier commun.

On compte également des plantes à usages alimentaires: Aubépine, Clématite des haies, Cornouiller mâle, Framboisier sauvage, Églantier, Houblon, Néflier, Noisetier, Pommier sauvage, Prunellier, Robinier faux-acacia, Ronce et Sureau rouge. Diverses pratiques rappellent l’attrait de ces espèces. «La conflture de Sureau noir, ça se faisait aussi... Il y avait beaucoup de Griottiers, des Cerisiers sauvages. Vous faisiez sécher les fruits, comme des Pruneaux. Ils se gardaient. L’hiver, il suffit de les tremper, comme les Pruneaux, pour faire des tartes... Et la Pomme sauvage, quand elle est très mûre, il faut les broyer, puis les faire fermenter dans une cuve, puis soutirer quand le jus est bien clair, on met ensuite en bouteille. Ça fait un genre de cidre. »

La haie demeure le territoire des enfants. Ils se familiarisent avec le monde végétal à travers des activités récréatives: fumer les tiges de Clématite des haies, faire des colliers de fruits d’Églantier ou de Fusain, construire des brouettes en branches de Noisetier, des «lances-patates» avec le Sureau... Ils fabriquent encore des instruments de musique verte, des «nununes» avec les feuilles de Houx, des trompes en écorce de Noisetier, des sifflets en Sureau. Le goût du grappillage rejoint le jeu. Fruits d’Aubépine, fleurs de Chèvrefeuille, ou baies de Viorne mancienne seront consommés en petite quantité.

La haie offre divers matériaux à utilisation technologique. La Clématite des haies, le Noisetier, la Ronce et le Saule seront précieux pour la vannerie, ainsi que la Symphorine, le Genêt à balai et le Camérisier des haies pour la fabrication de balais.

Dans le domaine du symbolique, la haie présente un fort intérêt. Les jeunes gens viennent y chercher les mais pour les jeunes filles: Cerisier à grappes, Églantier, Groseiller, Houx, Noisetier, Ronce, etc. Les dictons à indication météorologique ou écologique s’appuient sur l’observation des arbustes de la haie, tels l’Aubépine et le Prunellier, «qui met en fleur avant les feuilles». On dira que lorsque «la Prunelle ou le Buchon noir fleurit, il gèle à glace». En revanche, «quand l’Aubépine ou le Buchon blanc fleurit, il ne gèle plus». D’autres prononcent «quand l’Aubépine est en bouton, il ne fait pas bon, quand l’Aubépine fleurit, les froids sont finis».

Certaines espèces fournissent des indications écologiques. «Quand il y a un Sureau, chercher! Il y a une source au pied. » On observe encore: «Où il y a de l’Arum, il n’y a ni serpent, ni couleuvre, ni vermine! ».

Largement représentés dans le jardin et sur les bords de chemins, les usages médicinaux régressent ici face à des utilisations domestiques, technologiques et symboliques. À mi-parcours entre le sauvage et le domestiqué, la haie occupe une place importante dans la perception de l’environnement naturel et de son évolution. «Il y a tellement de buissons coupés maintenant. Tout est dévasté! On ne garde plus rien. Je me rappelle, il y avait notre voisin, il greffait même des sujets dans les bordures des champs. Des arbres fruitiers, quand il en trouvait! Je vous dis maintenant, tout est dévasté, depuis le remembrement, vous savez. »

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