Histoire du patrimoine rural

De la riche période gauloise et gallo-romaine pour le Morvan avec la position importante des Eduens, Bibracte puis Autun, il ne nous reste principalement (hormis des ruines ou sites connus, ou encore enfouis), que le tracé de nombreuses voies antiques et des sites d'anciens sanctuaires.
Des sanctuaires ont été christianisés, les pratiques religieuses adaptées pour nous parvenir aujourd'hui sous l'aspect de diverses chapelles ou sources cultuelles ; elles furent l'objet de pèlerinages, de dévotion, de rites thérapeutiques variés, de rites de fécondité mais aussi de légendes.
De l'important réseau de voies gallo-romaines reconnues ou supposées, qui furent utilisées très longtemps et appelées jusqu'au XVIIIe les 'chemins ferrés' à cause du bruit produit par les roues de charrettes sur les pavés, il subsiste plusieurs routes actuelles qui ont conservé le tracé ancien.

Une longue période (encore peu étudiée) de désertification, dépopulation a facilité la reprise du couvert forestier entre l'Antiquité et les temps féodaux qui s'épanouissent vers l'an mille. Vers le XIe siècle qui voit le système féodal s'installer, alors que commence l'extension démographique et économique, le Morvan va attirer de nouvelles populations. À partir des marges, les seigneurs laïcs et ecclésiastiques font défricher, petit à petit le massif par des serfs.
En sus des tenures à proximité de châteaux forts ou maisons fortes, des villages se créèrent, avec leurs églises dont bon nombre sont bâties à cette époque, mais souvent remaniées au fil des siècles surtout au XIXe. La fin du XVe siècle, après les reconstructions, défrichements et repopulations dus aux différentes guerres et épidémies, marqua le Morvan par l'implantation de son habitat dispersé.
Beaucoup de hameaux actuels sont d'anciennes petites clairières agricoles défrichées surtout sur les replats, à mi-pente. Dans la forêt, le seigneur local confiait à une famille souvent du centre ou de l'est de la France, une terre à cultiver après défrichage et lui accordait des droits d'usages et de protection en contrepartie de tâches annuelles et de parts sur les récoltes. Le lieu prenait fréquemment le nom de la famille (l'Huis-Bonin, Mézauguichard...) et s'agrandissait au fil des siècles d'autres habitations pour devenir le hameau actuel.
Un chevelu de chemins se tissa entre la multitude de hameaux, villages et petites villes en développement, dont un grand nombre perdurent aujourd'hui.

Que reste-t-il de cette période, hormis des châteaux, églises et abbayes reconnus ? En l'absence d'étude rigoureuse, nous ne pouvons que constater les 'traces' parvenues jusqu'à nous : fondations, nefs, porches (chapelle romane), implantations (hameaux et centre bourg, habitat, sanctuaire et pèlerinage, étangs, alimentation d'eau, croix...), toponymie, tracés de chemins (ponctués de leurs croix actuelles, chemin de Compostelle) et une partie de l'organisation de l'espace dit le finage (hameau / ouche / champs cultivés en permanence / chaintres dans les terres vagues / bois avec droits d'usages).

À partir du milieu du XVIe siècle, le flottage du bois 'à bûches perdues' fut la grande 'industrie' du Morvan durant presque trois siècles, diminuant du même coup les défrichements pour créer des clairières agricoles, par la valeur économique prise par le bois. Les droits d'usages dans la forêt sont également limités pour la population. Cette 'industrie' très organisée, à l'instigation de la grande noblesse ayant des châteaux en Morvan et des marchands, ne toucha que les forêts du bassin versant de la Seine afin de chauffer Paris. De l'automne au printemps, le Morvan résonnait des bruits produits par les nombreux habitants mobilisés pour différentes tâches selon les mois ou saisons : le bûcheronnage pour la moulée (bûches d'1,14 m), l'achat des bois, l'empilage à la corde, le martelage, le charroi jusqu'aux ruisseaux et l'empilage sur les centaines de petits ports de flottage, les lâchages synchronisés et répétés des étangs, le jetage, la surveillance des bûches flottantes par les 'poules d'eau', le tricage...
Après le petit flot sur l'Yonne supérieure et ses affluents en novembre, le grand flot sur la Cure et l'Yonne (et leurs affluents) en mars amenait toutes les bûches jusqu'à Clamecy ou Vermenton. Toutes les bûches, tirées sur les berges, étaient triées par les propriétaires avant de construire des 'trains de bûches' flottant jusqu'à Paris.

De cette importante activité économique, il reste la mémoire d'emplacements de ports de flottage, des sites reconnus (comme le saut de Gouloux), de nombreux étangs avec leurs digues et bondes, des biefs de moulins, des ponts qui ont résisté aux flots répétés de bûches.
Les XVIIe et XVIIIe siècles, très peu étudiés en Morvan, ont légué principalement quelques fours banaux (avant que la Révolution n'autorise les fours privés), des croix, des chapelles suscitant ou non des pèlerinages, quelques fabriques artisanales (tuileries-faïenceries...), certains moulins...

La première moitié du XIXe siècle fut marquée par un essor démographique important, accru par l'arrivée des 'petits Paris', qui entraîna des migrations saisonnières et temporaires avant les migrations définitives.

Fin XIXe et début XXe, le recul de la forêt et le changement des grands propriétaires forestiers suivent le déclin du flottage et le développement de l'agriculture et de l'élevage. C'est la 'micro propriété' qui a modelé le paysage de bocages aux nombreuses parcelles et l'architecture rurale, achevant de lui donner, fin XIXe, les caractères que nous lui connaissons aujourd'hui. La construction ou la modernisation des transports (routes, tacots) développa les échanges économiques et l'exportation, en plus des traditionnelles foires en Morvan surtout celles des villes portes.
La IIIe République nous légua de très belles écoles et mairies.

Toutes ces modifications et évolutions enrichirent le Morvan de nombreuses petites constructions ou édicules de la vie quotidienne (lavoirs, glacières, ponts, puits, chapelles, croix, fours...) et autres éléments ou équipements pour diverses activités (murets de champs, abreuvoirs, moulins à grains, à huile de navette, à tan, places de foire, ateliers d'artisans, façades et devantures de commerce, pierres des morts, carrières...) qui confirment une vie intense et des échanges permanents.

Il faut noter que les différentes et anciennes zones d'échanges entre le Morvan et les 'bas pays' (Avallonnais, Auxois, Autunois, Bazois-Corbigeois) ainsi que d'autres éléments historiques, influèrent sur certaines typologies de petits patrimoines du massif (lavoirs, puits...). Si le massif semble unitaire au premier regard, différentes études pluridisciplinaires révèlent sa mosaïque de petits 'pays' (parlers, architectures, occupations du sol, propriétés foncières, unités paysagères, géologie...).

Au fil du temps, les pratiques cultuelles et rites de diverses croyances ou superstitions ont laissé leurs empreintes en Morvan à travers des petits patrimoines (sans parler du patrimoine immatériel : coutumes, prières, soins, légendes, lieux de dévotion ou de pèlerinage...) comme les croix, chapelles et sites antiques, fontaines de dévotion, pierres de légendes.

Les guerres, mais surtout leurs morts, nous sont rappelés par les monuments aux morts : la jeunesse fauchée des villages en 14-18, ceux de 39-45, de l'Indochine et de l'Algérie. Les forêts morvandelles cachèrent de nombreux maquis, soutenus par la population, qui occupèrent une place importante dans les combats contre les nazis. Les stèles des différents maquis et les villages martyrs du Morvan rappellent cette période.
Le XXe siècle n'est pas à oublier, même s'il nous semble trop proche ou actuel. On est passé d'une économie assez autarcique, surtout agricole, dans les années 50-60, à une économie de marché basée exclusivement sur l'élevage naisseur et la forêt. Le Morvan de l'après-guerre jusqu'à nos jours évolue selon les contraintes économiques et démographiques. L'élevage extensif, la culture du bois, surtout le résineux, et le tourisme sont les principales activités économiques d'aujourd'hui. De nouveaux arrivants 'avec leur culture et leur regard', participent à la vie en Morvan et ponctuellement modifient le vieillissement de la population.

La grande qualité paysagère du Morvan d'aujourd'hui est un équilibre fragile de ses principaux composants : les forêts - le bocage à mailles serrées - l'eau et le bâti, dont le 'petit' patrimoine.

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